Décontamination
A ma caisse, ils sont masqués. Avec des lunettes de soleil. Parfois aussi avec un foulard sur la tête. Ou même un chapeau quand il fait chaud.
Ils sont venus hanter mes rêves.
Ils étaient masqués. Avec des lunettes de soleil. Parfois aussi avec un foulard sur la tête. Ou même un chapeau quand il faisait chaud.
J'étais derrière deux plaques de plexiglas. Je désinfectais un monde plein de risques, de dangers sournois, d'ennemis invisibles.
D'ennemi invisible.
Pshiiit, pshiiit, pshittt. Décontamination. Désinfection.
Ils étaient masqués. Avec des lunettes de soleil. Parfois aussi avec un foulard sur la tête. Ou même un chapeau parce qu'il faisait chaud.
Ils passaient devant moi et je ne voyais plus leurs articles. Je ne voyais que des gens masqués. Je ne voyais plus leurs sourires, à part dans leurs yeux. Parfois ils ont en plus des lunettes de soleil.
Ils sont venus hanter mes rêves,
ils sont venus hanter ma nuit.
Ils ont chassés mes songes tendres et doux, de velours et de soie.
Sur le tapis roulant, des aliments en plastique, en barquettes, sous cellophane, sous blaster.
Ils prenaient des douches de gel hydroalcollique.
Dans la rue, ils étaient masqués. Avec des lunettes de soleil. Parfois aussi avec un foulard sur la tête. Ou même un chapeau parce qu'il faisait beau.
Je suis allée boire une pinte de gel hydroalcoolique. ils en faisaient de plusieurs couleurs. J'avais choisi vert émeraude.
Puis j'ai couru. Je suis allée me cacher dans le tronc d'un arbre. Agenouillée, recroquevillée, je ne voulais plus sortir du tronc de l'arbre. C'est alors que j'ai entendu une voix, une voix qui me parlait dans une langue que je ne connaissais pas. C'était doux, c'était rond. C'était une voix qui me massait le corps tellement profond que j'oubliais les gens du dehors, les gens qui étaient masqués, avec des lunettes de soleil, parfois aussi avec un foulard sur la tête, ou même un chapeau quand il faisait chaud.
Puis j'ai senti deux mains douces et chaudes sur mon visage, qui m'ont dit, dans un français parfait, calmement et de manière suffisamment autoritaire pour me réveiller : "Va te faire cuire un oeuf."
Réveillée de ce cauchemar atroce, j'ai ri.
C'est vrai, j'avais oublié de manger.
Je suis donc allée me faire un oeuf au plat.
J'ai tourné trois tours de poivre, un peu de sel de Guérande, et quelques pincées de paprika.
Et, j'ai pensé : "Ma fille, un peu d'humilité. Fais ce que tu sais faire, et du mieux que tu peux. Caissière, tu ne sais pas faire.
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